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Page:Meillet - La méthode comparative en linguistique historique, 1925.djvu/18

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définition de la méthode

chez saint Augustin, il y a des différences de détail ; mais la graphie ne varie presque pas ; les formes grammaticales et le principal du vocabulaire demeurent les mêmes. Les philologues se sont donné beaucoup de mal pour trouver des différences entre les périodes du latin à date historique. Ils ont apporté à ces recherches toute la minutieuse précision qu’y peut mettre un grammairien. Et ils ont constaté en effet de menues différences ; mais, pour une assez large part, ces différences tiennent au genre littéraire : la comédie de Plaute, destinée au gros public, n’est pas comparable aux discours de Cicéron ni aux bulletins du puriste qu’était César. La langue de la poésie hellénisante n’est pas celle de la prose. Il y a aussi des différences d’un écrivain à l’autre. Mais, au fond, il n’a jamais été écrit et enseigné à l’école qu’un seul latin.

Du reste, entre les formes que livrent les textes écrits, seule la comparaison indique celles qui ont une valeur pour l’histoire ultérieure de la langue. Pour désigner l’ « oreille », on trouve dans les textes écrits du latin auris, et aussi le dérivé auricula. Rien, dans les anciens textes latins, n’avertit que l’une ou l’autre de ces formes doive prévaloir sur l’autre ; auris est la forme courante. Or, c’est sur auricula que reposent les formes des langues romanes : fr. oreille, it. orecchia, esp. oreja. Seule, la comparaison du français, de l’italien, de l’espagnol, etc. renseigne sur la forme qui sert de base aux langues romanes.

D’autre part, la langue qui a survécu n’est pas celle qui s’écrivait. Entre le latin littéraire, qui est conservé par les textes des écrivains, et le latin parlé, que continuent les langues romanes, il y avait des différences, variables suivant les individus et suivant leur degré de