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Page:Meillet - La méthode comparative en linguistique historique, 1925.djvu/97

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exemples de formules générales

ensemble d’émissions phoniques, un mouvement articulatoire doit être répété, le sujet parlant tend à éviter cette répétition.

Cette tendance n’atteint pas également tous les phonèmes ; il y a des mouvements articulatoires moins faciles et courants que d’autres, et ce sont ceux-ci qu’on vise à ne pas faire deux fois à bref intervalle. La prise des positions particulières que la langue doit occuper pour l et r, l’abaissement du voile du palais qui est essentiel pour n et m sont des mouvements dont la répétition est évitée souvent.

Alors, c’est dans un ordre défini que la suppression a lieu. Par exemple, si l’ancien uenēnu(m) aboutit en italien à veleno, c’est-à-dire si, de deux n que comprend le mot, l’une a perdu l’abaissement du voile du palais et a, en conséquence, passé à l, c’est la première qui est ainsi altérée ; sauf réaction due à des faits particuliers, de deux n ainsi placées c’est la première, non la seconde, qui perd sa nasalisation. Ce sont donc des conditions générales qui règlent la façon dont se produit la dissimilation, et ces conditions se laissent formuler. M. Grammont a réussi à les déterminer entièrement.

Ceci permet de reconnaître, en bien des cas, la manière dont une innovation a eu lieu. On sait, par exemple, que, dans les langues où l’accent sert de centre au mot, les voyelles de syllabes accentuées sont traitées autrement que les voyelles de syllabes inaccentuées. Or, on observe ici deux types distincts d’altération des voyelles inaccentuées.

Dans certaines langues, les voyelles inaccentuées tendent à perdre à la fois une partie de leur durée et beaucoup de leur timbre propre : elles se réduisent souvent à un