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Page:Mendès - La Légende du Parnasse contemporain, 1884.djvu/154

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À ce propos et pour éviter de longs développements qui ne sauraient trouver leur place ici, voulez-vous me permettre de vous lire quelques lignes que j’ai écrites il y a peu de temps et qui résument assez bien ma pensée, sous une forme excessive et parfois trop brutale ? Cela s’appelle Discours à Nana et ce n’est pas très long.

« Viens ici, Nana. Je te parle. Puisque le procès entre les romantiques et les naturalistes est toujours pendant, j’y veux plaider à mon tour. Et c’est à toi que je m’adresse. Car, malgré l’étonnant Assommoir et l’extraordinaire Pot-Bouille, — ces deux poèmes sinistres mais admirables, — je te préfère, à cause de tes cheveux d’or et de tes sourires, à tous les autres enfants de ton père. Quoi qu’on en ait, tu attires et tu charmes, étant jolie. Dans un livre qui n’a pas été traduit, Henri Heine, qui était un impie, a osé dire de la madone qu’elle est la « dame de comptoir » de l’Église catholique ; tu es la dame de comptoir du naturalisme. Donc, écoute. Les filles aiment bien qu’on leur joue un « morceau de piano. » Ingénue amour de l’idéal. C’est un « morceau de littérature » que je t’offre. Tu n’y entendras rien, mais tu te hausseras peut-être jusqu’à l’admiration de mon doigté.