Aller au contenu

Page:Mendès - La Légende du Parnasse contemporain, 1884.djvu/156

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

exécrable, qui ressemble peu ou beaucoup, mais qui jamais ne ressemble parfaitement. Quel que fût le système d’un artiste et quel que fût son art, quand même il serait de ceux — et qui donc l’en blâmerait ? — chez qui l’observation est le commencement du génie, il ne pourrait pas s’astreindre à la représentation exacte de ce qu’il a observé. On est un regard, mais on est une intelligence ; après avoir vu, on pense ! et par la pensée qui généralise ou spécifie, qui développe ou résume, qui choisit et coordonne, l’œuvre de la nature ou de la société, transformée, devient l’œuvre d’un homme. L’artiste, c’est l’imitateur qui invente, le copiste qui crée ! Toute son âme, avec ses rêves de sublimités ou ses appétits de bassesses, avec ses amours et ses haines, il la met dans le portrait qu’il croit faire, et ce portrait, toujours, tient beaucoup plus du peintre que du modèle. Eh ! quel écrivain, — poète, romancier ou auteur dramatique, — n’a pas hasardé la prétention — sincère ou hypocrite, — de dire la vérité entière, de montrer, comme dans un miroir fidèle, les passions, les caractères, les vertus et les vices ? Relisez toutes les préfaces : toutes promettent le vrai ; relisez