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Page:Mendès - La Légende du Parnasse contemporain, 1884.djvu/159

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— ce dégoût suprême nous est épargné ; les sots, dans un livre, ne sont pas, ne peuvent pas être absolument pareils aux imbéciles de la vie ; ils sont bêtes, mais ils le sont autrement ! et la fille, quoique fasse l’auteur pour la maintenir dans la bassesse vraisemblable, cesse d’être la fille pour devenir la prostituée. Ce qui vaut mieux. Nana elle-même, je vous le dis, n’a jamais mangé de cerises à l’eau-de-vie derrière les vitres du café des Princes, ni commandé une douzaine d’Ostende dans le grand salon des cabarets nocturnes. Comme Juliette au balcon, à l’heure où le cri clair de l’alouette allume le matin ; comme Imogène endormie entre les sombres tapisseries de la chambre conjugale, comme Chimène qui voudrait baiser les mains sanglantes du héros de seize ans, comme Agnès qui soupire, comme Marinette qui rit, comme Virginie sur la grève, comme l’impure et chaste Marion, comme Dona Sol qui embrasse son amant mort sous le linceul de la lune, — Nana n’est pas autre chose qu’une chimère ! Tu as beau vivre ignoble, gueuse que tues, et mourir de la petite vérole, au lieu d’expirer, toute sanglante, un poignard dans le cœur, tu n’existes pas, te dis-je !