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Page:Mendès - La Légende du Parnasse contemporain, 1884.djvu/238

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leur propre ressemblance ! Tout au contraire. L’auteur de Kaïn est peut-être, de tous les inventeurs de ce temps, celui dont l’âme s’ouvre le plus largement à l’intelligence des vocations et des œuvres le plus opposées à sa propre nature. Ce qu’il est magnifiquement, il ne prétend pas qu’on le soit. La seule discipline qu’il imposât, — c’était la bonne, — consistait dans la vénération de l’art, dans le dédain des succès faciles. Il était le bon conseiller des probités littéraires ; sans gêner jamais l’élan personnel de nos aspirations diverses, il fut, il est encore notre conscience poétique elle-même. C’est à lui que nous demandions, c’est à lui que nous demandons, dans les heures de doute, de nous avertir du mal. Il condamne ou absout, et nous sommes soumis.

Ah ! je me rappelle encore toutes les gausseries qu’on faisait alors sur ces soirées dans le salon de Leconte de Lisle. Eh bien ! les rieurs avaient tort, car, en vérité, je le crois et je le dis, — à cette époque heureusement disparue où la poésie était partout bafouée, où faire des vers avait ce synonyme : mourir de faim, où tout le succès, toute la renommée appartenait