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Page:Mendès - La Légende du Parnasse contemporain, 1884.djvu/293

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A-t-il, pendant quatre ans, savouré le poison
De ta voix qui mentait, et béni le mensonge ?
A-t-il, quand vint le jour où le soupçon nous ronge,
Comme on traque un renard, guetté la trahison ?

Non, c’est moi qui, jaloux, furtif, l’œil aux serrures,
T’ai vue enfin livrer aux plaisirs d’un amant
Et ta ceinture d’or, et ton beau vêtement,
Et ton flanc découvert plus beau que les parures.

C’est à moi que, féconde en des bras dissolus,
Cependant que, vieillard étonné d’être père,
Je m’enorgueillissais de notre lit prospère,
Tu donnas des enfants que je n’embrasse plus !

Ah ! quand tous mes agneaux bêlent dans mon étable,
Quand il ne manque pas à ma vigne un raisin,
Au larron qui pilla les trésors du voisin
Je puis facilement me montrer charitable !

Mais ils sont moins cléments, ceux à qui l’on fît tort ;
Le voleur subira la prison et l’amende.
Donc, plus dépouillé qu’eux, j’approuve et je demande
Que, pesant le dommage, on m’accorde ta mort.