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Page:Mendès - La Légende du Parnasse contemporain, 1884.djvu/297

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Dites-lui qu’aujourd’hui j’erre dans la campagne,
Mes flèches sur le dos et mon arc à la main ;
Dites-lui que, couvert modestement d’un pagne,
Je cherche le dîner que je cuirai demain.

À celle que j’aimais dans notre ville sombre,
Dites que ma négresse à l’heure du seleil,
En plein midi debout pour me faire de l’ombre,
Se tient en souriant et guette mon réveil ;

Dites-lui qu’au retour elle n’est jamais lasse ;
Que je suis son seigneur ; que son amour est tel
Qu’elle porte gaiment sur l’épaule ma chasse
Tandis que je la suis en mâchant du bétel.

Dites à cette fille implacable et débile
Qui meurtrissait mon cœur entre ses petits doigts,
Qu’ici je peux tuer qui m’échauffe la bile
D’un coup de casse-tête, et que je fais les lois !

Ma maîtresse est très belle, et vaut cher ! Ses oreilles
Pendantes sur son col ont des anneaux de fer ;
Ses dents sont d’un beau jaune ; et ses lèvres, pareilles
Au fruit du jujubier, semblent embraser l’air.