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Page:Mendès - La Légende du Parnasse contemporain, 1884.djvu/72

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« Pourquoi faire un passeport ? dis-je au Theissein révélé. Le passe-port est aboli depuis dix ans.

Pas à Bocognano ! »

Je fais remarquer à mon noble maréchal-des-logis qu’à défaut de passe-port inutile, j’avais sur moi des lettres, dont une chargée, un engagement de comédien pour le théâtre de Bastia ; que, d’ailleurs, le pays était parfaitement tranquille et que je le priais de me laisser comme le pays.

« Enfin, lui dis-je, si vous avez quelques doutes sur moi, faites-moi surveiller ; je ne me lèverai pas avant onze heures demain matin : envoyez cette dépêche à Bastia à M. Bécot, le premier président du tribunal, qui me connaît, afin que je sois débarrassé de cette sotte affaire.

Sotte affaire ! fait Thessein en bondissant, sotte affaire ! Fus insultez le chistice ! Qu’on lui mette les fers aux pieds ! »

Au même instant, je me sens enlevé, transporté par quinze gendarmes. On eût dit la sortie qui termine le second acte de l’Œil crevé. Je suis jeté sur un lit de camp. En un clin d’œil mes pieds sont emboîtés en deux infâmes machines de fer, vissées par dessous le lit de camp, et me voilà sur le dos, dans l’impossibilité absolue de faire un mouvement. Cosette[1], affolée, se blottit dans un coin du cachot.

  1. Cosette, c’était la chienne de Glatigny qui le suivait dans tous ses voyages.