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Page:Mendès - La Légende du Parnasse contemporain, 1884.djvu/77

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Et Thessein, avec une lumineuse logique, construit la bande de malfaiteurs dont je suis le chef. Claretie, Autran, Gabriel Marc, un officier de marine, Banville et Vacquerie passent à l’état de brigands. Auguste Vacquerie avait des chances de salut. Son écriture, indéchiffrable pour qui n’en a pas l’habitude, empêchait de lire son nom. Mais Théodore de Banville ! rien n’est plus net que sa signature. Homme d’ordre avant tout, il met son adresse au bas de toutes ses lettres. J’ai vu le moment où on allait le chercher à l’Odéon pour me venir tenir compagnie dans le cachot.

Pendant une heure, je me heurte contre cette monstrueuse stupidité. Vingt fois au moins, Thessein me demande qui je suis, ne me laisse achever aucune réponse et me demande invariablement de lui avouer mes crimes. Les expressions de canaille, d’assassin, et d’autres plus énergiques abondent. Les quolibets pleuvent. C’est charmant.

Ce ne furent pas là toutes les tortures de Glatigny. Je passe une conversation absolument extravagante avec le juge de paix et le distributeur de la poste. J’en arrive à un des plus terribles exploits du gendarme Thessein, qui avait demandé à Glatigny de lui faire venir sa photographie, par le télégraphe.

« On me reconduit dans le cachot, dit Albert Glatigny. Je m’étends sur les couvertures, lorsque Thessein revient, écumant, les yeux injectés de sang, furieux.