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Page:Mendès - Le Roi Vierge - 1881 (leroiviergeroma00mendgoog).djvu/100

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LE ROI VIERGE

de jadis de mon être d’à présent. Ma vie me donne l’impression d’une continuité toujours pareille. Il me semble que je n’ai pas eu de commencement. Une arrivée sans réminiscence de départ. J’ai des souvenirs de passages devant des glaces où je m’apparaissais telle que je me vois.

« Je me trompe, c’est certain. J’ai dû être une petite fille. Attends, ne parle point, laisse-moi me chercher ; là-bas. Ah ! je me retrouve.

« Oui, petite, mais robuste et grasse, avec cette lèvre déjà, et hardie, allant droit aux gens, les regardant bien en face, comme si j’avais espéré quelque chose dans leurs yeux. On s’étonnait. Quelquefois, un visiteur, après m’avoir prise sur ses genoux, souriait d’abord de me voir, lente et câline, me serrer contre lui en renversant la tête et en fermant les yeux comme une chatte caressée ; puis il me repoussait vivement, regardait ma mère, avait l’air de chercher des paroles, se levait, saluait avec un air de gêne, ne m’embrassait pas en sortant. Je devais avoir sept ou huit ans alors.

« Je me tenais dans les coins, tapie, répétant des paroles que j’avais entendues dans les anti-