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Page:Mendès - Le Roi Vierge - 1881 (leroiviergeroma00mendgoog).djvu/152

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LE ROI VIERGE

soûlent de lumière, d’odeurs, de bruits, dans un air empuanti de sueurs et de vin. « Gloriane ne peut pas être ici, disait le chambellan. — Qui sait ? » répondait Brascassou. Trois heures durant ils visitèrent tous ces bouges, — toutes ces bauges. Sans résultat. Pas même une ressemblance entrevue, qui leur donnât un moment d’espoir.

— Où faut-il aller ? demanda le cocher.

Brascassou cria :

— Partout où l’on soupe !

Ils rôdèrent, salués de huées, dans les salles communes des restaurants, tumultueuses, trop éclairées, chaudes d’haleines et d’exhalaisons de viandes. Parmi les cliquetis d’assiettes et les grincements de couteaux, et le va-et-vient des garçons qui s’affolent, les filles démasquées se penchaient vers les nappes, les bras nus entre les verres, la gorge dans les plats, et riaient aux propos des hommes, avec des bouches encore rouges dans leurs visages ternes, d’où la poudre de riz s’égoutte, grumelée par la moiteur. Aux tournants des escaliers, le long des corridors étroits, — pendant que des dominos, le capuchon rabattu, et se consultant à voix basse, se frot-