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LE ROI VIERGE

Rien, en effet, et cela par la meilleure des raisons peut-être ; de sorte que très souvent on a dû lui apprendre, vraies ou fausses, les nouvelles mêmes dont il paraissait si bien instruit.

Ce rôle le divertissait ; il y était merveilleusement servi par de petits yeux un peu jaunes, qui clignotaient à propos derrière un binocle prudent, par des gestes quelquefois hasardeux comme une confidence, mais qu’il rétractait vivement, comme s’il eût craint de s’être trahi, et surtout par une façon de dire grasse, molle, très lente, embarrassée même, qui, sous un semblant visiblement affecté de ne pas trouver les mots, feignait d’éviter les indiscrétions compromettantes.

Mais ces manières d’être, qui, jointes à sa boutonnière prismatique et à des allures savamment hautaines, lui valaient les égards curieux des touristes de distinction, il se hâtait de s’en défaire dès qu’il mettait le pied dans les salons officiels. Contradiction remarquable et sans doute d’une habileté suprême : le prince Flédro-Schèmyl, homme de cour avec ceux qui ne l’étaient pas, cessait absolument de l’être avec ceux qui l’étaient ; ce diplomate, maître de lui, devenait je ne sais quel impudent bouffon ; un bohème, tout à coup,