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Page:Mendès - Le Roi Vierge - 1881 (leroiviergeroma00mendgoog).djvu/190

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LE ROI VIERGE

C’est à peu près un autre monde au milieu de celui-ci, un Paradis au coin d’une rue. Et cet Éden, que l’on prévoit délicieux, éveille en même temps, à force de vague et d’inconnu, l’idée d’une chose terrible, comme le pourrait faire, en delà d’une haute muraille, un jardin deviné, qui est peut-être un cimetière. Le désir de savoir a presque peur d’apprendre. Pourtant on s’approche, on se glisse, on guette ; on essaye, sur la pointe des pieds, d’escalader du regard le rebord des fenêtres closes. Vainement. Comme dans le conte du Chevalier Bleu qui demandait à quoi Merlin passe le temps dans la grotte de Viviane, « la Curiosité interroge, mais le Mystère fait signe au Silence de répondre pour lui ».

C’est là que vint le roi Frédérick, redescendu de la montagne.

Après avoir traversé une ombre pleine de chuchotements, où des mains invisibles le dévêtirent de ses fourrures de neige et lui mirent d’autres habits, il écarta lentement, à tâtons, les chevelures abondantes d’un grand saule, qui glissèrent derrière lui avec des frémissements de soie ; et, alors, tout à coup, dans une vaste et