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Page:Mendès - Le Roi Vierge - 1881 (leroiviergeroma00mendgoog).djvu/212

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LE ROI VIERGE

sait le long cou du cygne, qui parfois ouvrait ses ailes comme deux voiles blanches.

Alors, du ciel où planait une lune estompée d’azur, de l’étang piqué d’étoiles, des roseaux qui tremblent, et du vent, et des parfums, et des pâles lointains de brume, — comme si, dans le paysage, eût été répandu quelque invisible orchestre, — une musique émana, divine…

Ce fut d’abord une frêle mélodie, presque inentendue, indécise, et délicieuse, hélas ! On eût dit que d’angéliques chanteurs, très loin, très haut, dans la vibration d’une ineffable clarté, ne voulaient pas se poser, même sur les cimes. Puis, peu à peu, avec la courbe lente d’un vol de plus en plus sonore, la céleste musique, toujours douce, se renforça, se développa, comme une approche intense de splendeurs, et enfin éclata, pareille à quelque prodigieuse aurore, dans un épanouissement de cuivres lumineux !

Frédérick écoutait, une joie d’extase aux lèvres, ayant des rayons pour regards. Peut-être voyait-il aussi ! Quand tous les sens se dilatent et se fondent dans les délices d’entendre, la vue mêlée à l’ouïe perçoit des formes dans les sons. Et les