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Page:Mendès - Le Roi Vierge - 1881 (leroiviergeroma00mendgoog).djvu/214

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LE ROI VIERGE

la nacelle, en riant. Et la mélancolie de la lune n’éteignait pas la pourpre jeune de sa joue, ni l’espièglerie de ses yeux vifs, ni la gaîté fraîche de sa bouche d’enfant.

— Oui, mon Frédérick, c’est moi, Lisi ! Tu ne m’attendais guère ? Me voici. Comme il y a longtemps que je ne t’ai vu ! et il paraît, Sire, que vous êtes devenu très méchant, pendant ce temps-là. Tu ne sais pas ce que ta mère vient de me dire ? que tu ne veux pas m’épouser. Mais je ne l’ai pas crue, pas du tout, pas du tout. Je sais bien, moi, que mon Frédérick m’aime. Il n’est pas venu me voir à Lilienbourg ; il ne m’a pas écrit ; mais c’est qu’on est très occupé quand on est roi. Ah ! mon Fried, tu veux bien que je sois ta « petite femme », comme autrefois, tu te rappelles, dis ?

— D’où viens-tu ? Qui t’a permis d’entrer ici ? Va-t’en, je veux être seul, va-t’en !

Et, en parlant ainsi d’une voix où il semblait que la colère eût peur, le roi saisit une rame et frappa l’eau violemment ; mais, avant que se fût éloignée la nacelle, Lisi s’y était élancée, et, toute secouée d’un rire, elle se jeta sur la poitrine de Frédérick, pendant que la barque gagnait le large.