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Page:Mendès - Le Roi Vierge - 1881 (leroiviergeroma00mendgoog).djvu/240

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LE ROI VIERGE

durs, s’estompait, se fondait dans la grisaille du ciel où mourut la lueur d’une dernière nuée rose.

Maintenant, à cause de la mélancolie du soir, — on dirait que le serein tombe sur les âmes comme sur les corps, — une sorte de gêne, qui était presque de la peur, envahissait les fugitifs ; plus de bavardages à mi-voix ; des têtes courbées, des bras ballants. Lisi elle-même se taisait, prise d’une vague appréhension. Heureusement, on apercevait déjà l’énorme porche de Lilienbourg, qui bâillait, tout noir, entre des amoncellements de granit écroulé, sous de sombres verdures ; elle n’avait pas l’air bien hospitalier, la vieille porte ; plus d’un enfant songea peut-être à la gueule d’un ogre de pierre ; mais cette ouverture de gouffre était le but, et l’on avait hâte de se fourrer là-dedans ; on voulait être arrivé, n’importe où.

— Oh ! s’écria Lisi.

Et tous les arrivants reculèrent avec des cris et des gestes d’effroi.

C’est que, soudainement, des lueurs sanglantes de torches s’étaient allumées dans le bâillement, de la porte ; et elles se précipitaient vers les en-