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Page:Mendès - Le Roi Vierge - 1881 (leroiviergeroma00mendgoog).djvu/257

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FRÉDÉRICK

jours ; l’amour, qui s’était épanoui en lui tout à coup, avait germé longtemps en elle, y avait fleuri déjà. Depuis la rencontre dans la clairière, elle s’était éprise, enfant, de cet enfant, parce que c’est très joli d’être un chef de bandits quand on est si jeune, et à cause de la plume qu’il avait sur sa coiffe. Puis, joyeuse et si vivante, elle s’était étonnée des tristesses où il languissait ; et tout ce qu’on éprouve — même l’étonnement — ajoute, lorsqu’on aime déjà, à l’amour que l’on avait. Elle en était venue à l’admirer parce qu’il était morose, craintif, fuyard ; ce sont les plus beaux papillons que l’on n’attrape jamais ; de tous les oiseaux, ceux qui chantent le mieux sont ceux qui se montrent le moins. Convaincue qu’il ne pouvait avoir tort, elle s’en voulait de ne pas être mélancolique et sauvage comme lui, et se jugeait moins bonne, parce qu’elle était meilleure. Elle avait essayé d’être triste aussi ; elle n’avait pas pu ; elle riait comme les fleurs embaument, comme l’eau jase sur les cailloux, par une loi naturelle. Mais elle s’efforçait d’avoir l’air très grave quand il la regardait ; et bien souvent elle se tenait assise sur l’une des marches tournantes qui montaient vers la retraite de Frédé-