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Page:Mendès - Le Roi Vierge - 1881 (leroiviergeroma00mendgoog).djvu/279

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FRÉDÉRICK

mousses, tombait, se relevait, se précipitait de nouveau. Combien de temps dura cette descente furieuse ? Des minutes ou des heures ? Il ne s’en est jamais souvenu.

Tout à coup, après un dernier bond, il se trouva hors de la forêt, dans la joyeuse rue vivante d’un village allemand, où, devant des maisons de bois aux balcons sculptés, des hommes chantaient en chœur en heurtant de grandes cruches neigeuses de mousse, où de jeunes paysannes, rieuses et parées, s’en venaient de la plaine, en groupe, et se tenant par la main.

Il s’arrêta, épouvanté de voir ces maisons, ces buveurs, ces passantes en fête — toute cette vie pareille à ce qu’il était accoutumé de voir.

Qu’était-il arrivé ? Quel nouveau miracle avait transformé les êtres et les choses ? Où étaient la populace bigarrée entrevue du haut de la montagne, et les coiffures aux croissants de cuivre, et les bonnets carrés, et les étendards des légionnaires ?

Une vieille femme, occupée sur le pas de sa porte à plumer une poule, se tourna vers Frédérick, et lui dit :

— Loué soit le Seigneur ! Vous avez dû bien