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Page:Mendès - Le Roi Vierge - 1881 (leroiviergeroma00mendgoog).djvu/332

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LE ROI VIERGE

Mais elle, l’apparition délicieuse et terrible, elle avait escaladé les rocs, et, retenant Frédérick, lui répandant sur les genoux, sur la poitrine, sur le visage, tout l’or fluide de ses cheveux, toute la neige brillante de sa peau, elle l’étreignait, le possédait, le forçait à entendre ce qu’elle lui disait avec une bouche écarlate et qui exhalait du feu comme si elle avait mâché des braises.

Elle lui parlait, l’enveloppant de toute elle-même :

— Tu ne me reconnais pas ? Je t’adore. La grande reine qui t’a charmé, c’est moi ! et Blancheflor, ivre du breuvage d’amour, qui s’endort, extasiée, sous le manteau de Floris, et qui meurt, sanglotante, en mettant son âme aux lèvres du bien-aimé cadavre, c’est moi, c’est moi ! Tu n’as donc rien compris, ce soir, rien deviné ? Tu étais dans l’ombre, au fond de ta loge, mais je te voyais. Je sentais ta présence sur moi comme une délicieuse caresse ; souvent j’avais envie de baiser mes bras, quand il me semblait que tu les avais regardés ! Je suis terrible, n’est-ce pas ? Jamais tu n’avais entendu une Blancheflor aussi ardemment éprise ? C’est que tu étais là,