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Page:Mendès - Le Roi Vierge - 1881 (leroiviergeroma00mendgoog).djvu/38

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LE ROI VIERGE

Il feignit de trouver cela plaisant.

— Mais, maintenant, reprit-il, tous ces beaux rêves sont évanouis, puisque je n’aurai pas le portrait. On continuera de jouer les drames de Hans Hammer devant des toiles peintes par des barbouilleurs infimes — comme les œuvres banales de quelque musicien juif — et ce seront des ténors italiens qui murmureront, près de la rampe, avec des roucoulements de ramiers, les tragiques mélodies du maître.

— Ah ! vous me déchirez le cœur.

— Vous serez seule coupable.

Elle songea un instant, l’air très ému. Cela lui plaisait de feindre d’être prise au piège. Et puis, elle y était peut-être prise vraiment. Tout le monde a des sincérités. Elle rejeta les dentelles de sa mantille, au risque de laisser voir, le matin, à un seul, ce qu’elle montrait à tout le monde le soir, et elle dit d’un petit ton résolu :

— Eh bien, je veux vous sauver. J’ai trouvé un moyen.

— J’aurai le portrait ?

— Mieux que cela ! Tenez, ce n’est pas seulement à vous que je m’intéresse. Quant à