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Page:Mendès - Le Roi Vierge - 1881 (leroiviergeroma00mendgoog).djvu/94

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LE ROI VIERGE

Elle dit dans son rire de pourpre :

— Oh ! que tu es laid ! Mais il paraît que c’est très amusant, les Français. Tu me feras rire, dis ?

Languissante, abandonnée, avec la grâce un peu lourde d’une bête qui s’étire, elle mit les deux bras au cou du petit homme.

Lui, plein d’ébahissement, émerveillé jusqu’à la peur, il s’éloigna de la chaude et pesante étreinte en balbutiant : « Oh ! voyons, voyons, qui êtes-vous ? » car il n’osait plus la tutoyer, la trouvant trop belle.

Riant toujours, mais hautaine, elle s’écria d’une voix emportée :

— Qui je suis ? Celle qu’on désire et qui se donne. Qu’as-tu besoin d’en savoir davantage ? Tu m’as voulue, me voici. Ne suis-je pas rayonnante comme une étoile et superbe comme une grande fleur ? Mais les étoiles sont trop haut, et les fleurs attendent qu’on les cueille ; moi, je suis du feu stellaire et de la chair de lys, qui s’offrent ! Repais-toi de flammes et d’odeurs. Qu’as-tu donc ? Es-tu lâche ? As-tu peur des vertigineuses ivresses ? Ah ! oui, je devine, ils t’ont parlé, les gens de la ville, ils t’ont dit :