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FLOURENS.

cet agisseur. Il fut vaincu ; la parole triompha ; cent mille cris de « vengeance ! » remplirent l’espace, mais il n’y eut que des cris et quelques tombes violées dans le cimetière de Neuilly. Flourens attendit une occasion meilleure, il attendit en s’agitant. Il était l’homme-barricade. Il ne comprenait pas qu’on marchât sur les pavés ; les pavés, selon lui, n’étaient faits que pour s’amonceler en travers des rues et pour abriter des patriotes armés. D’ailleurs, bien qu’il portât constamment l’habit noir, il n’était pas de ces habits noirs qui font faire le coup de feu et qui se cachent pendant qu’on se bat ; il défendait les barricades qu’il avait donné ordre d’élever ; partout où on pouvait mourir, il y allait ; au milieu de la perpétuelle émeute qu’il faisait à lui tout seul, il gardait l’air placide et doux d’un bon jeune homme, la courtoisie exquise d’un gentleman, les yeux étonnés d’un enfant. C’est avec cet air doux, posé, charmant qu’il a dû tomber sous le sabre des gendarmes. Maintenant il est mort. On le juge, on le blâme, on ne peut pas le haïr. C’était un fou qui était un héros. La Commune — telle que la font nos maîtres actuels — n’était pas digne de ce martyr.

XXXII.

Au milieu de tant d’événements horribles et qui intéressent le pays tout entier, dois-je donner place à une douleur qui n’a brisé qu’un seul cœur ? Oui, le plus petit détail n’est pas sans importance dans le plus vaste tableau.