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TOUS MILITAIRES !

n’interrompons point le dictateur Cluseret. « … Le décret du 5 avril est ainsi modifié : (Remarquez que le décret du 5 avril avait été rendu par la Commune ; mais Cluseret se soucie bien de la Commune en vérité !) « … ainsi modifié : de dix-sept à dix-neuf ans, le service dans les compagnies de guerre sera volontaire, et de dix-neuf à quarante obligatoire pour les gardes nationaux, mariés ou non. »

« J’engage les bons patriotes à faire eux-mêmes la police dans leur arrondissement et à forcer les réfractaires à servir. »

Ingénieux arrêté ! Remarquez-vous comme il découle logiquement du considérant qui le précède ? Qu’aurait fait tout autre que Cluseret après avoir constaté les patriotiques réclamations d’un grand nombre de gardes nationaux mariés, résolus à quitter leurs femmes, fût-ce aux prix de la vie ? Il aurait agréé leurs services, avec bien des remercîments. Cluseret a fait plus et mieux. Quelques-uns veulent se faire tuer, s’est-il dit : donc il faut qu’ils se fassent tous tuer ! Quelle justesse dans le raisonnement ! Mon voisin a la fièvre chaude et veut se jeter par la fenêtre. Que fait le médecin ? Il m’intime l’ordre de me précipiter instantanément, la tête la première, de mon quatrième étage sur le pavé de la rue.

— Mais, docteur, je n’ai pas la fièvre chaude.

N’importe ! n’importe ! Votre voisin en est atteint, cela est plus que suffisant, et d’ailleurs, si vous dites un mot de plus, je vous fais empoigner par quatre matassins.

Quant au dernier paragraphe de l’arrêté Cluseret, il est impossible d’en rire, tant il est odieux. Cette exhortation à faire le métier de recruteur, ce cou-