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QU’EST-CE QUE M. CLUSERET ?

Commune. Je ne veux pas croire ce qu’on raconte ; je ne veux pas croire que dès la nuit dernière, des hommes, sans ordres précis, sans aucun caractère légal, de simples gardes, se soient introduits dans des familles, réveillant les enfants, secouant la femme endormie, et se soient emparés du mari comme on empoigne un voleur ou un forçat en rupture de ban. On me dit, on m’affirme que le fait, que dis-je ? que cinquante faits semblables se sont produits à Montmartre, aux Batignolles, à Belleville. N’importe ! je dis que non. J’aime mieux croire que ces récits sont des « inventions de Versailles, » que d’admettre seulement la possibilité d’une telle infamie !

Or çà, voyons, ce M. Cluseret, délégué à la guerre, dictateur, tout ce qu’on voudra, qu’est-il ? D’où vient-il ? Qu’a-t-il fait ? et dans quels services rendus prend-il le droit de nous imposer sa volonté souveraine ?

Français ? il ne l’est plus : Américain ? il ne l’est guère. Mais, pour l’honneur de mon pays, je l’aime mieux Américain que Français. Son histoire ? elle est plus courte que glorieuse. Il servait dans l’armée française, il l’a quittée ; pourquoi ? on ne sait. Il a été se battre là-bas, en Amérique, pendant la guerre de sécession. Ses ennemis affirment qu’il s’est battu pour les esclavagistes, ses amis disent le contraire. On ne sait pas bien de quel parti était le général Cluseret ; — de tous les deux peut-être. Ah ! pourquoi l’Amérique, qui l’avait pris, ne l’a-t-elle pas gardé ? Cluseret nous est revenu de là-bas avec cette gloire d’avoir renié la France. Aussitôt les révolutionnaires l’ont accueilli à bras ouverts. Un Américain, pensez donc ! Aimez-vous l’Amé-