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PARIS FLÂNEUR.

marchent à pied, précédant tristement une carriole chargée de matelas et d’objets de ménage ; toutes, quand on les interroge, vous racontent les obus versaillais effondrant les maisons, tuant des femmes et des enfants. N’importe ! on va, comme de coutume, à ses affaires ou à ses plaisirs. La Commune supprime les journaux, incarcère les journalistes — hier M. Richardet, du National, a été conduit au Dépôt, par la seule raison qu’il était allé demander un passe-port au farouche M. Rigault — la Commune met des prêtres au secret, fait évacuer des couvents de filles, arrête M. O’yan, l’un des directeurs du séminaire de Saint-Sulpice, lance un mandat d’arrêt contre M. Tresca ; qui s’échappe, veut arrêter M. Henri Vrignault, qui réussit à se mettre en sûreté ; la Commune fait faire des perquisitions armées dans les maisons de banque, et s’empare des titres et de l’argent ; elle fait ouvrir les caisses par des serruriers complaisants, et quand les serruriers sont fatigués, elle achève la besogne à coups de crosse ; la Commune fait pis encore, elle fait tout ce que la certitude de la toute-puissance peut conseiller à des despotes sans expérience, enfin elle envoie journellement à la mort de braves pères de famille qui croient se faire tuer pour une idée et meurent pour le bon plaisir de M. Avrial ou de M. Billioray. Eh bien, que fait Paris ? Paris lit son journal, flâne, fait la chasse aux nouvelles et dit : « Ah ! ah ! on a arrêté Amouroux ? L’archevêque de Paris vient d’être transporté de la Conciergerie à Mazas ? On a volé des mille francs chez M. Denouille ? Diable ! diable ! » Et Paris recommence à lire son journal, à flâner, à faire la chasse aux nouvelles. Rien n’a l’air d’être interrompu,