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LES CARICATURES.

probables — parmi lesquels il est triste que l’on soit obligé de compter des artistes de talent — font songer à des femmes libertines et d’un haut rang qui se mêleraient à quelque orgie, nues, mais masquées, ou à des satyres qui porteraient une feuille de vigne sur le visage seulement.

Ces images ont tort. Ces caricatures, quelquefois sanglantes, doivent entretenir, ou même faire naître chez quelques esprits peu cultivés, de condamnables pensées de mépris et de haine. Le rire n’est pas toujours innocent. Mais les gens qui passent ne songent point a cela, et ils sont tout à fait contents quand ils ont vu la tête de Jules Favre, figurée par un radis, ou le ventre de M. Ernest Picard, représenté par une citrouille. Où seront, dans quelques jours, ces grotesqueries malsaines ? Envolées, dispersées. Bien des collectionneurs s’arracheront les cheveux en songeant à l’impossibilité de retrouver ces témoins frivoles de nos malheurs. Je prends quelques notes, afin de diminuer, autant qu’il est en moi, leur désespoir.

Un sol vert, un ciel rose. Dans un cercueil noirâtre, dont elle s’efforce de soulever le couvercle, une femme demi-nue, coiffée d’un bonnet phrygien. Maigre, petit, en habit noir, la tête énorme, la langue épaisse et pendante, les cheveux hérissés comme ceux d’un saule pendant l’orage, un clou dans la main gauche, un marteau dans la droite, Jules Favre appuie le genou sur le couvercle de la boîte, et voudrait la refermer malgré les protestations bien naturelles de la femme demi-nue. Au loin, accourt une grosse face à lunettes et un bras armé d’un marteau : c’est M. Thiers. Au-dessous on lit : Si on les