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LA PORTE-MAILLOT.

obus venait d’incendier la maison connue sous le nom de château de l’Étoile. Cependant, peu à peu, le duel d’artillerie diminua de violence, puis cessa tout à fait, et on se précipita vers les remparts.

La Porte-Maillot, à vrai dire, n’existe plus. Il y a longtemps, en dépit des assertions contraires de la Commune, que le pont-levis a été disloqué, que les murs sont renversés, que le fossé est comblé. De la gare, il reste un amas informe de pierres noircies, de moellons émiettés, de vitres brisées et de ferrures tordues ; la tranchée profonde où passaient les trains est remplie de débris de muraille ; pour passer, il faut faire un détour.

On juge de l’embarras produit à cet endroit par une myriade de gens, de carrioles, de voitures de déménagements, convergeant sur le même point. Tout le monde veut passer à la fois, on crie, on se bouscule, on étouffe. Les gardes nationaux essayent en vain d’établir un peu d’ordre. Ajoutez que, pour aggraver les difficultés, il y a certaines formalités de laisser-passer. Je réussis à m’accrocher à une charrette qui est sur le point de sortir de Paris, et, après mille poussées et mille temps d’arrêt, j’entre, les habits en loque, dans Neuilly.

Le spectacle est affreux. D’abord apparaît le vaste espace circulaire que l’on nomme la zone militaire. C’est un désert poussiéreux, où une seule bâtisse est debout, la chapelle de Longchamps ; on en a fait une ambulance, et j’y vois flotter le drapeau blanc orné d’une croix rouge. À vrai dire, les blessés ne doivent guère être en sûreté dans ce sépulcre qui est justement placé sur le chemin des obus. À gauche, s’étend le bois de Boulogne,