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LE FAIT-DIVERS.

dans la maison. Ils arrivèrent au quatrième étage, guidés par les cris, et enfoncèrent une porte. Alors, à leurs yeux et à ceux des personnes qui les avaient suivis s’offrit un horrible spectacle. Trois enfants en bas âge rampaient sur le parquet d’une chambre où le désordre des meubles témoignait d’une lutte récente. Les pauvres petits étaient sans vêtements et leurs membres nus montraient des traces de coups ; l’un d’eux avait une blessure au front. Les gardes nationaux, avec un soin tout maternel, interrogèrent les victimes. Ces enfants n’avaient pas mangé depuis quatre jours, et ils étaient, grâce à ce jeûne prolongé, dans un tel état physique et moral qu’on ne put tirer d’eux aucun renseignement précis. Le caporal s’adressa aux voisins, et une partie de l’affreuse visite ne tarda pas à être connue.

« Dans cette chambre habitait une pauvre ouvrière, jeune et assez jolie. En rapportant de l’ouvrage à son magasin, elle remarqua un jour qu’elle était suivie par un homme bien mis, mais dont la physionomie révélait les passions les plus basses. Il s’approcha d’elle et lui fit des propositions infâmes. D’abord elle les repoussa avec énergie, mais il redoubla d’efforts et multiplia les tentations. Elle se souvint alors qu’elle était pauvre, que l’ouvrage n’allait pas, elle céda enfin ! Ne la blâmons pas, plaignons-la, et réservons toute notre colère pour le scélérat qui l’a séduite !

« Après trois années qui ne furent pour la malheureuse femme qu’une suite de remords et d’angoisses, et pendant lesquelles elle n’eut d’autre consolation que le sourire des enfants qu’elle mettait au monde avec régularité, elle commençait un peu à s’accoutumer à la tristesse