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CAMINOLUS.

LXXX.

Je regrette Cluseret. Cluseret était vif, surtout en paroles. Il nous criait : « tous gardes nationaux ! » Mais, comme avec le ciel, il était avec Cluseret des accommodements. Il suffisait de répondre aux décrets du délégué à la guerre : « Comment donc ! mais je ne demande pas mieux. J’allais justement vous prier de m’envoyer à la porte Maillot. » Et, cette concession faite, on pouvait s’en aller à ses affaires sans être inquiété davantage. Quant à sortir de Paris, en dépit de la loi qui ferme les portes aux hommes âgés de moins de quarante ans, rien n’était plus facile. On allait à la gare du Nord, on s’adressait à un citoyen assis devant une planche, derrière un guichet, au bureau des passeports.

— Quel âge avez vous ? demandait-il.

— Soixante-dix-huit ans, répondiez-vous en promenant avec complaisance votre main droite dans votre belle chevelure noire.

— Seulement ? Vous paraissez plus âgé, citoyen.

Et le complaisant employé vous remettait un petit papier sur lequel était écrit un mot cabalistique. Le jour où la fantaisie me prit d’aller passer deux heures à Bougival, mon petit carré portait ces lettres étranges : « Caminolus. » Muni du mystérieux sauf-conduit, il ne restait plus qu’à prendre un billet de première et à monter en wagon. On était libre ! et rien ne pouvait plus vous empêcher d’aller, si telle était votre fantaisie, proclamer la Commune à Arcachon ou à Monaco.