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DÉNOUMENT HEUREUX.

— Mon veston ?

— Oui, ce machin de velours que tu as sur le dos.

Il le donna.

— Ton gilet, ta culotte.

— Ma culotte ? Ah ! cocher !

— Plus vite que ça, ou je t’emmène au poste, méchant réfractaire !

Il les donna.

— Bien. Maintenant, voilà mes habits ; habille-toi en deux temps et filons.

Pendant que le poëte revêtait sans enthousiasme la défroque du cocher, le cocher, obèse, faisait craquer les vêtements du poëte. Cela fait, ils sortirent.

— Monte sur le siége.

— Moi ?

— Eh ! oui, imbécile ! (le sauveur devenait de plus en plus familier) Moi, j’entre dans la voiture. Maintenant, conduis-moi où il te plaira.

Tout marcha le mieux du monde. À la porte de la Chapelle, le faux cocher exhiba un laisser-passer en règle, et le garde national qui regarda à l’intérieur du fiacre, dit :

— Oh ! celui-là peut passer : c’est un grand-père.

La voiture roula sur le pont-levis, et c’est ainsi que M… — ah ! diable ! j’allais le nommer — c’est ainsi, dis-je, que le jeune poëte nargua les ordres du Comité de salut public et dîna le soir même à l’hôtel des Réservoirs, ayant à sa gauche un député de la droite et un député de la gauche à sa droite.

Moi, partirai-je ? Pourquoi non ? Ai-je donc envie d’être enfermé un beau matin dans quelque caserne, ou d’être envoyé bon gré mal gré aux avant-postes ? Notez