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UNE ARRESTATION.

un mur peu élevé qui forme, à cette place, le côté gauche de la cité. Cela fait, il rentre précipitamment dans la maison ; très-rapidement aussi j’ai gagné le carré de mon escalier, et, prêtant l’oreille, j’entends le concierge dire à sa femme : « La barricade est prise, donne-moi une blouse. Ils sont à Montmartre. Nous sommes flambés ! » Je reviens à la fenêtre ; le concierge doit s’être trompé, et Montmartre n’est pas encore pris, car je viens d’entendre siffler un obus qui semblait venir de la butte. D’ailleurs le vacarme, de toutes parts, redouble ; toutes ces horribles sonorités se confondent en un bruit perpétuel qui semble celui d’un million de marteaux frappant sur des enclumes. Je puis à peine tenir en place, ma main se crispe sur le rebord de ma croisée. Je me penche autant que je puis pour voir, je ne vois rien, rien sinon un peloton de lignards précédés de deux gendarmes, qui vient d’entrer dans la cite. Il s’arrête devant ma porte, quelques hommes se détachent, et bientôt j’entends, au second étage, le bruit d’une porte ouverte et brusquement fermée et des pas lourds sur le parquet. Je tremble ; cet homme qu’on vient arrêter, si on allait le fusiller, là, dans la maison, dans son appartement, devant sa femme ? Mais non, les deux gendarmes reparaissent dans la rue, ayant entre eux le prisonnier à qui on a lié les mains, et autour d’eux le peloton se reforme et se remet en marche. L’homme, alors, lève avec colère ses poings rapprochés et dit : « Je n’ai qu’un regret, c’est de ne pas avoir fait sauter tout le quartier, a En même temps, au-dessous de ma fenêtre, une fenêtre s’ouvre, et je vois apparaître une femme à cheveux gris qui tend les bras en criant : « Meurs tranquille ! je te vengerai. » À ces mots les soldats s’ar-