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LES MONSTRES.

non, ces bruits sont faux sans doute. Comment ces personnes, qui habitent dans le quartier où j’habite, sauraient-elles ce que je ne sais pas ? Au-dessus de nos têtes, pourtant, la nuit est rouge et noire. J’aspire une odeur étrange, pareille à celle d’une lampe à pétrole qu’on vient d’allumer. Ce mot : pétrole, me fait frémir. Une fois, très-distinctement, j’entends le bruit sourd d’une grande chose qui s’éboule et se brise. Ne pas pouvoir s’informer, connaître, savoir ! et autour de l’incendie, pendant que le jour, peu à peu, se lève, la canonnade tonne, la fusillade claque ; c’est un enfer qui a la mort pour ceinture. Devant moi, un coin de façade, tout blanchi de clartés, est traversé par des tirebouchons de fumée, reflets lointains de la combustion. Je m’enfuis. Je veux rentrer, me cacher, dormir, oublier. Dans ma chambre, à travers les rideaux blancs, jaillissent des éclairs. J’ai peur. Je regarde. Ce sont les lettres d’or d’une enseigne, en face de ma maison, à qui les flammes du ciel rouge arrachent des cris de lumière.

XCV.

Ah ! certes, je n’avais plus d’illusion. Ce que vous aviez fait, messieurs de la Commune, m’avait éclairé sur votre valeur et sur la pureté de vos intentions. Vous voyant mentir, voler, tuer, je vous avais dit : « Vous êtes des menteurs, des pillards et des meurtriers ; » mais, en vérité, malgré le citoyen Félix Pyat, qui est lâche, et le citoyen Miot, qui est bête ; malgré Millière, qui a