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LES PÉTROLEUSES.

Rivoli, de la rue de la Coutellerie, où se trouvent les succursales de l’Hôtel de Ville, c’est-à-dire les services des boulangeries, de l’éclairage, des promenades publiques, de l’octroi, des eaux et égouts, etc., seront enlevées trop tard, malgré l’énergie de l’armée. On craint que le feu ne gagne aussi, par les flammèches, tous les magasins environnants. Les barricades du quai ne sont qu’entamées ; il faut encore une heure peut-être pour les prendre, et d’ailleurs le service des pompes déjà en mouvement de tous côtés sera insuffisant. Il faudrait des tonnes de solutions ammoniacales projetées dans l’Hôtel de Ville pour combattre le pétrole qui coule sur la place comme une lave ; et, chose terrible, le reflet de l’incendie rougit à tel point les eaux de la Seine voisines de l’Hôtel de Ville, que le fleuve semble positivement chargé d’une rivière de sang et paraît charrier des caillots qui se brisent contre les arches des ponts ! »

Je recueille ces impressions en contemplant le désastre. Ce qu’on me dit, il me semble que je le vois. Un irrésistible désir d’être proche m’attire, me dévore. Je me penche en avant. Je tends les bras. Je pourrais tomber, n’importe ! Il me semble que mes yeux absorbent tout l’incendie.

XCVII.

Elles marchent d’un pas rapide, le long des murs. Elles sont pauvrement vêtues. Ce sont en général des femmes de quarante à cinquante ans, le front ceint d’un serre-tête à carreaux rouges, que dépassent des mèches de