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PREMIÈRE MANIFESTATION.

parcourut successivement les rues principales de ce quartier. Chaque fois qu’elle passait devant un poste, les gardes présentaient les armes.

« Place Saint-Sulpice, un bataillon se rangea pour nous laisser passer.

« Nous descendîmes ensuite le boulevard Saint-Miche et le boulevard de Strasbourg. Pendant ce trajet, un groupe assez nombreux se joignit à nous ; il était précédé d’un drapeau tricolore sur lequel on lisait : « Vive l’Assemblée nationale ! » Désormais, les deux drapeaux flottèrent près l’un de l’autre en avant de la manifestation renforcée.

« Comme nous allions déboucher sur le boulevard Bonne-Nouvelle, un homme, vêtu d’une redingote et coiffé d’un chapeau de feutre gris, se précipita sur moi qui portais l’étendard des « Amis de l’ordre. » Un nègre, vêtu de l’uniforme de la garde nationale et qui marchait à mon côté, me rendit le service de le repousser. Alors, l’homme au chapeau de feutre se retourna contre la personne qui portait l’autre étendard, saisit le drapeau, et, avec une force assez extraordinaire, il en cassa sur son genou la lance qui paraissait fort solide pourtant.

« De ceci, il résulta quelque tumulte. L’homme fut empoigné, emporté, enlevé. Je crains qu’il n’ait été maltraité trop gravement. Nous remontâmes les boulevards.

« À notre aspect, l’enthousiasme des promeneurs était vraiment excessif, et l’on peut dire sans exagération que nous étions environ trois ou quatre mille personnes quand nous fûmes de retour sur la place du Nouvel-Opéra où nous devions nous séparer.