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LES VICTIMES.

d’un général étranger qui, d’une fenêtre de la rue la Paix, aurait assisté à l’événement. Leur assertion est peu soutenable pourtant. Quel esprit sérieux admettra qu’une foule évidemment pacifique ait commis un pareil acte d’agression ? Quel homme eût été assez stupide pour exposer une telle quantité de personnes sans armes et pour s’exposer lui-même, par un défi aussi criminellement inutile, à d’inévitables représailles ? Le récit d’après lequel le coup de pistolet aurait été tiré sur la place Vendôme, au pied de la colonne, par un officier de la garde fédérée, donnant ainsi le signal de faire feu aux citoyens placés sous ses ordres, ce récit, si improbable que paraisse un tel excès de froide barbarie, est de beaucoup le plus vraisemblable.

Et maintenant des femmes pleurent leurs maris, leurs fils, morts, blessés. Combien de victimes ? On ne sait pas encore le nombre exact. Un lieutenant de la garde nationale, M. Barle, a reçu une balle dans le ventre. M. Gaston Jollivet, qui a eu autrefois le tort grave à nos yeux de publier une ode comique où il s’efforçait de railler mon illustre et bien-aimé maître Victor Hugo, mais qui n’avait pas tort d’être au nombre de ceux qui réclamaient l’ordre et souhaitaient la concorde, a eu, dit-on, le bras gauche fracassé. M. Otto Hottinger, un des régents de la Banque de France, est tombé, frappé de deux balles, au moment où il relevait un blessé.

Un de mes amis m’affirme que, une demi-heure après la fusillade, il a essuyé le feu de deux gardes nationaux au guet, au moment où il sortait d’une porte cochère.

Au coin de la rue de la Paix et de la rue Neuve-des-Petits-Champs, gisaient encore, à quatre heures, un