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PARIS VOTE.

du monde ; je me mêle aux promeneurs. Sous le péristyle du théâtre du Châtelet, les électeurs font queue. On s’arrête quelques instants devant des bateleurs qui ont tendu leurs cordes devant la fontaine. Ils sont fort adroits, ma foi ! Dans cet arrondissement, les candidats du Comité central seront certainement élus. Les femmes portent déjà des toilettes de printemps ; robes claires et chapeaux légers. On dit qu’il y a beaucoup de canons à l’Hôtel de Ville. Dans le square des Arts-et-Métiers, des amies se rencontrent : « Vous êtes seule, madame ? » « Oui, madame, j’attends mon mari qui est allé voter. » Les enfants sautent à la corde et disent : « Maman, qu’est-ce que c’est que la Commune ? » Les cochers profitent de la révolution pour exiger des salaires extravagants ; ce qui ne les empêche pas d’avoir des opinions politiques. J’en ai rencontré un qui ne devait pas être favorable au Comité central.

— Cocher, combien la course ?

— Cinq francs, monsieur.

— Eh bien ! soit. À la mairie Drouot !

— Pardon, monsieur. Est-ce que monsieur va voter ?

— Oui.

— Oh ! alors, c’est dix francs.

Je consens, et nous partons. Sur le boulevard de Strasbourg, beaucoup de bourgeois endimanchés, des marchands de livres, de toupies, de parfumerie, de cartes transparentes, et des nuées de mendiants. Dans ce quartier de Paris la révolution ressemble à une foire.

À la mairie du IXe arrondissement, peu de monde. Je cause avec un des membres du bureau.