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PETITE CAUSERIE AVEC UN PROPRIÉTAIRE.

minées fument et que vous vous êtes énergiquement refusé à les faire ramoner. Mais enfin, cette maison dont les cheminées fument, vous la possédez et vous avez quelque droit à en tirer profit. Remarquez bien que je ne conteste pas votre droit. Moi, je ne possède pas le moindre immeuble, mais j’ai un outil, — plume, aiguille ou marteau — qui, en temps ordinaire, me fait vivre et me permet de payer, avec une régularité relative, mes termes. Si je n’avais pas eu cet outil, vous vous seriez bien gardé de me céder tout ou partie de votre maison, car vous m’auriez très-justement jugé dépourvu de toute possibilité de payer mon loyer. Or, pendant la guerre, à quoi m’a servi mon outil ? à peu de chose, c’est incontestable. Il est resté parfaitement oisif dans l’encrier, ou dans la pelote, ou sur l’établi. Non-seulement je n’ai pas pu l’utiliser pour ma propre subsistance, mais j’ai perdu l’habitude de l’employer, et il me faudra plus d ? une semaine pour me remettre au travail. Vous, pendant que je ne travaillais pas et que, par conséquent, je mangeais peu, que faisiez-vous ? Oh ! sans doute, vous n’étiez pas heureux comme vous l’avez été aux jours triomphants de l’Empire. Mais enfin, on n’a ramassé qu’un nombre assez peu considérable de propriétaires morts de faim au coin des bornes, et je ne crois pas que vous vous soyez fait remarquer par votre présence assidue dans les queues des cantines municipales. Je me suis même laissé raconter que plusieurs vos confrères se sont tenus à l’écart de Paris assiégé par les Prussiens, et n’ont pas manqué de faire les souhaits les plus ardents pour le salut de la patrie, sous les ombrages de la Touraine, sur les jetées de la Nor-