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CEUX QUI PARTENT.

qu’il y a trois ans j’ai fait connaissance, un jour de pluie, en omnibus, d’une blonde, ah ! mon cher, d’une blonde !…

— Je vois cela d’ici.

— Conversation d’abord frivole ; offre d’une voiture, dîner chez Maire, baignoire aux Folies-Dramatiques, souper chez Brebant ; bref, je fus aimé.

— Je vous fais mon compliment.

— Attendez donc ! Elle était mariée.

— Aïe !

— Je ne jugeai pas à propos de troubler la paix d’un ménage, et, après huit jours d’un bonheur coupable, je lui fis connaître mes remords, et la priai de réintégrer le domicile conjugal.

— C’était d’un noble cœur.

— N’est-ce pas ? Eh bien ! le mari ne fut pas de cet avis. Il ne voulut jamais croire que Clémentine — elle s’appelle Clémentine — eût attendu l’omnibus pendant huit jours au coin du passage de l’Opéra.

— Ces maris sont extraordinaires.

— Il s’informa, il me découvrit, et…

— Et vous chercha querelle ?

— Non. C’est un bonnetier. Mais il devint, dès-lors, mon ennemi le plus acharné.

— C’est fort désagréable ; pourtant, je ne vois pas om quoi l’inimitié de ce négociant vous oblige à quitter Paris.

— Vous allez comprendre. Ce bonnetier a un cousin qui a été nommé membre de la Commune.

— Je conçois votre inquiétude. Vous craignez d’être fusillé ?