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Page:Mendès - Les Oiseaux bleus, 1888.djvu/106

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LE MIROIR

de gens auprès d’elle ; chaque homme déclarait que Jacinthe était faite à souhait pour le plaisir des yeux ; même plusieurs femmes en dirent autant, d’une façon un peu moins affirmative. Tout cela ne faisait que blanchir ; la pauvre enfant s’obstinait dans la conviction qu’elle était un objet d’épouvante ; « vous vous entendez pour m’en faire accroire ! » et, comme l’amoureux la pressait de fixer malgré tout le jour de leur mariage : « Moi, votre femme ! s’écria-t-elle, jamais ! Je vous chéris trop tendrement pour vous faire don d’une chose aussi affreuse que je suis. » Vous devinez quel fut le désespoir de ce jeune homme si sincèrement épris. Il se jeta à genoux, il pria, il supplia ; elle répondait toujours la même chose : « Qu’elle était trop laide pour se marier. » Que faire ? le seul moyen de démentir la vieille, de prouver la vérité à Jacinthe, c’eût été de lui mettre un miroir devant les yeux. Mais, de miroir, dans tout le royaume, il n’y en avait point ; et la terreur inspirée par la reine était si grande, qu’aucun artisan n’eût consenti à en faire un.