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Page:Mendès - Les Oiseaux bleus, 1888.djvu/170

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LE MAUVAIS CONVIVE

sait entrer dans ses appartements racontaient qu’on y voyait des livres épars sur les tapis, des instruments de musique, guzlas, psalterions, mandores ; et, la nuit, accoudé au balcon, il passait de longues heures à considérer, les yeux mouillés de larmes, les petites étoiles lointaines du ciel. Si vous ajoutez à cela qu’il était pâle et frêle comme une jeune fille, et, qu’au lieu de revêtir les chevaleresques armures, il s’habillait volontiers de claires étoffes de soie où se mire le jour, vous vous expliquerez que le roi fût fort penaud d’avoir un tel fils. Mais, comme le jeune prince était le seul héritier de la couronne, son salut était utile au bien de l’État. Aussi ne manqua-t-on point de faire, pour le résoudre à ne pas se laisser mourir de faim, tout ce qu’il fut possible d’imaginer. On le pria, on le supplia ; il hochait la tête sans répondre. On fit apprêter par des cuisiniers sans pareils les poissons les plus appétissants, les plus savoureuses viandes, les primeurs les plus délicates ; saumons, truites, brochets, cuissots de chevreuil, pattes d’ours, hures de