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Page:Mendès - Les Oiseaux bleus, 1888.djvu/181

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LES OISEAUX BLEUS

faire un don. Tu vois cette tire-lire, toute petite, qui a la forme et la couleur d’un œillet éclos ? Elle t’appartient. Ne manque pas d’y mettre tout ce que tu as de plus précieux ; le jour où tu la casseras, elle te rendra au centuple ce qu’elle aura reçu.

Là-dessus, la fée s’évanouit comme une flamme éteinte d’un coup de vent, et Jocelyne, qui avait eu quelque espérance à l’aspect de la belle dame, se sentit plus triste que jamais. Ce ne devait pas être une bonne fée, non ! Était-il rien de plus cruel que de donner une tire-lire à une pauvre fille qui n’avait ni sou ni maille ? Qu’y pouvait-elle mettre, ne possédant rien ? Les seules économies qu’elle eût faites, c’était ses souvenirs de jours sans pain, de nuits sans sommeil dans la bise et la neige. Elle fut tentée de briser contre les pierres ce présent qui se moquait d’elle ; elle n’osa point, le trouvant joli ; et, pleine de mélancolie, elle pleurait ; les larmes tombaient une à une dans la tire-lire pas plus grande qu’une fleur, pareille à un œillet épanoui.