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Page:Mendès - Les Oiseaux bleus, 1888.djvu/183

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LES OISEAUX BLEUS

Hélas, il s’éloigna, sans même l’avoir vue. Seule comme devant, — plus seule, d’avoir un instant cessé de l’être, — elle se laissa tomber sur le revers du fossé, fermant les yeux, sans doute pour que rien n’y remplaçât l’adorable vision. Quand elle les rouvrit, mouillés de pleurs, elle aperçut à côté d’elle la tire-lire qui ressemblait un peu à des lèvres entr’ouvertes. Elle la saisit et, avec l’acharnement désespéré de son vain amour, — mettant dans son souffle son âme, — elle la baisa d’un long baiser ! Mais le présent de la fée, sous l’ardente caresse, ne s’émut pas plus qu’une pierre touchée d’une rose. Et, à partir de ce jour, Jocelyne connut de telles douleurs que rien de ce qu’elle avait enduré jusqu’alors ne pouvait leur être comparé ; elle se rappelait, comme de belles heures, le temps où elle n’avait souffert que de la faim et du froid ; s’endormir quasi à jeun, frissonner sous les rafales, ce n’est rien ou c’est peu de chose ; maintenant elle n’ignorait plus les véritables angoisses.

Elle songeait que d’autres femmes, à la