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Page:Mendès - Les Oiseaux bleus, 1888.djvu/205

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LES OISEAUX BLEUS

ils demeuraient étonnés, inquiets, ne s’interrogeant pas, car ils n’auraient su quelle question se faire, tant était complet en eux l’oubli de la précieuse parole ; mais ils ne souffraient pas trop encore, ayant la consolation de tant d’autres mots, murmurés, et de tant de caresses. Hélas ! ils ne tardèrent pas à être pris d’une profonde mélancolie ! C’était en vain qu’ils s’adoraient, qu’ils se nommaient des noms les plus tendres, qu’ils tenaient les plus doux propos ; il ne leur suffisait pas de s’écrier que toutes les délices sont épanouies dans la rose du baiser, de se jurer qu’ils étaient prêts à mourir, lui pour elle, elle pour lui, de s’appeler : « Mon âme ! ma passion ! mon rêve ! » ils avaient l’instinctif besoin de proférer et d’ouïr une autre parole, plus exquise que toutes les paroles, et, avec l’amer souvenir des extases qui étaient en elle, l’angoisse de ne jamais plus la prononcer ni l’entendre ! Après les tristesses, il y eut les querelles. Jugeant son bonheur incomplet à cause de l’aveu interdit désormais aux plus ardentes lèvres, l’amante exigeait de l’amant, et l’amant