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Page:Mendès - Les Oiseaux bleus, 1888.djvu/215

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LES OISEAUX BLEUS

plaire à un jaloux ; ils ne mettent pas sur la toile tout ce qu’ils ont vu ; il doit leur en rester quelque chose dans les yeux, dans le cœur aussi. Et ce portrait, maintenant, était la seule consolation du jeune roi ; il ne pouvait retenir ses larmes en le considérant, mais il n’aurait pas échangé, contre la douceur des plus heureux sourires, l’amertume de ces pleurs. C’était en vain que ses ministres venaient lui dire : « Sire, nous avons reçu des nouvelles inquiétantes : le nouveau roi d’Ormuz lève une armée innombrable pour envahir vos États » ; il feignait de ne pas entendre, les regards toujours fixés sur l’image adorée. Un jour, il entra dans une grande colère et faillit tuer un de ses chambellans, celui-ci s’étant hasardé à insinuer que les douleurs les plus légitimes ne doivent pas être éternelles, que son maître ferait bien de songer à se marier avec quelque jeune fille, nièce d’empereur ou fille de paysan, n’importe. « Monstre ! s’écria l’inconsolable veuf, oses-tu bien me donner un si lâche conseil ? Tu veux que je sois infidèle à la plus aimable des reines ? Ôte-toi de mes