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Page:Mendès - Les Oiseaux bleus, 1888.djvu/289

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LES OISEAUX BLEUS

d’avoir traversé les paradis, lui restait au bout des plumes, elle était l’aile d’un ange ; on ne pouvait s’y méprendre. Le fils de roi, à cette vue, se sentit tout alangui de mélancolie. Eh ! quoi, un divin messager, peut-être dans une bataille avec quelque ténébreux esprit, peut-être sous un coup de vent infernal, avait perdu l’une de ses ailes ? Avait-il commis l’imprudence de se poser, un soir, — se trompant de chambre, — près du lit trop parfumé d’une de ces cruelles amoureuses qui n’ont pas de plus cher plaisir que de meurtrir ce qui vole et de déplumer les illusions ? Il suffit souvent d’une caresse ou d’un souffle de femme pour qu’une aile tombe. Quoi qu’il en fût, il devait être fort en peine maintenant. Quelle humiliation et quelle tristesse pour lui, les soirs de ces bals où l’on danse avec les plus jolies des onze mille vierges, d’être raillé par ses frères célestes, pauvre maladroit, qui valse mal, étant boiteux. Boiteux ? certainement. Puisqu’ils sont, non des corps, mais des âmes avec des plumes, les anges ne boitent pas du pied, mais de l’aile. À cause de cette douleur probable, le prince des