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Page:Mendès - Les Oiseaux bleus, 1888.djvu/292

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L’ANGE BOITEUX

— En vérité ? votre ange gardien ? voilà une singulière rencontre. Apprenez-moi, je vous prie, comment ce malheur lui est advenu.

— Par votre faute, je vous assure ! Vous vous souvenez de cette promenade que nous fîmes ensemble, l’autre soir, sous les citronniers où les étoiles tremblaient comme des fruits d’or ?

— Comment l’aurais-je oubliée ? C’est ce soir-là que vous permîtes à mes lèvres, pour la première fois, de toucher votre joue, et, depuis ce temps, j’ai la bouche parfumée comme si j’avais mangé des roses.

— Oui, ce soir-là, vous me donnâtes un baiser, mais, s’il me fut doux, il fut cruel à l’ange qui me suivait parmi les branches pour m’avertir et me défendre. L’une de ses ailes s’envola de lui, tandis que me frôlait votre caresse. C’est la loi des gardiens à qui le ciel confie les jeunes filles, d’être les premières victimes des péchés qu’elles font.

— Oh ! la fâcheuse loi ! Je m’imagine que votre ange, estropié, doit être fort marri.

— Plus que vous ne sauriez Je croire ! Pe-