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Page:Mendès - Les Oiseaux bleus, 1888.djvu/43

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LES OISEAUX BLEUS

— Seigneur ! s’écria-t-elle, ce n’est pas seulement mon petit doigt, c’est toute ma main, c’est toute ma personne que je vous donnerai en échange de la Belle que vous avez conquise. Vous serez le roi de mon royaume et l’époux de mon lit !

Et déjà elle faisait signe aux officiers et aux serviteurs de lui livrer la prisonnière.

Mais le prince :

— J’ai conquis la Belle du Monde, en effet, dit-il ; seulement, madame, je l’ai conquise pour moi, non pour vous ; pour mon amour, non pour votre haine. Parce que trop souvent votre barbarie, après tant de travaux où vous exposâtes ma vie, me refusa l’ongle de votre petit doigt, je ne veux pas de toute votre personne et j’emporte dans mon palais de Trébizonde celle, plus belle que vous, qui m’est aussi douce que vous me fûtes cruelle !

Là-dessus, il monta dans le palanquin dont les rideaux se refermèrent et l’énorme éléphant, prompt comme les légères antilopes, — car c’était, je pense, quelque éléphant enchanté, — disparut dans la poussière enso-