Aller au contenu

Page:Mercier - Néologie, 1801, tome I.djvu/80

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.
( lxviii )

il y a des études préliminaires, longues, fatigantes ; dessin, correction, manipulation de la palette ; c’est toujours avec de la matière qu’il faut rendre les images matérielles ; mais l’art d’écrire qui se compose de la parole, n’a rien de matériel. Voilà pourquoi l’écolier en sait souvent plus que le maître ; que Voltaire a fait Œdipe à dix-huit ans, que Lafontaine est devenu poète par inspiration : voilà pourquoi l’on se forme seul dans cet art, et qu’on sera toujours plus près du succès en n’écoutant que soi, qu’en prêtant l’oreille à ces hommes qui, comme le dit Montesquieu, mettent à toutes les choses une robe de docteur. Les gens qui veulent toujours enseigner, empêchent beaucoup d’apprendre.

J’ai d’ailleurs une singulière conformation dans l’œil, et qui provient de naissance : quand j’entends un homme parler en public, développer sa doctrine, faire grand trophée de ce qu’il dit, parler de son génie et de son goût, je vois autour de son fauteuil, dessus, dessous, à côté, une multitude prodigieuse de petites têtes enfantines qui rient malignement, montrent au doigt le professeur, s’amusent de ses paroles, et donnent