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Page:Mercier - Tableau de Paris, tome I, 1782.djvu/179

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Neuf, & la mémoire s’en est conservée.

Au bas du Pont-Neuf sont les recruteurs, raccoleurs, qu’on appelle vendeurs de chair humaine. Ils font des hommes pour les colonels, qui les revendent au roi : autrefois ils avoient des fours où ils battaient, violentoient les jeunes gens qu’ils avoient surpris de force ou par adresse, afin de leur arracher un engagement. On a supprimé enfin cet abus monstrueux ; mais on leur permet d’user de ruse & de supercherie pour enrôler la canaille.

Ils se servent d’étranges moyens : ils ont des filles de corps-de-garde, au moyen desquelles ils séduisent les jeunes gens qui ont quelque penchant au libertinage : ensuite ils ont des cabarets, où ils enivrent ceux qui aiment le vin : puis ils promènent, les veilles du mardi gras & de la S. Martin, de longues perches surchargées de dindons, de poulets, de cailles, de levrauts, afin d’exciter l’appétit de ceux qui ont échappé à celui de la luxure.